hommage de la route des tommes Alain Chardon
LA RUTE DES TMMES

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14 juin 2018-hommage de la route des tommes à Alain Chardon, son fondateur et Président



"Bon dzour a to" et merci d'être là, Alain aurait commencé comme cela.

Mauvaise année pour la " Route des Tommes ", les deux piliers qui l'ont portée sur les fonds baptismaux nous ont quittés.

Le Père DEBERNARD, mémoire de la tradition ancienne, qui tenait le secret de son mentor à Bozel dans ses jeunes années, et son bras séculier en l'occurrence, Alain CHARDON, père fondateur de la " Route des Tommes " des temps modernes.

Alain,

Pas de papier glacé pour des mots ampoulés, tu n'aimais pas cela. Avec toi c'était cash en bien comme en moins bien, tu ne laissais personne indifférent.

Qui n'a pas pris une engueulée n'a pas été muletier, ou n'a jamais œuvré à la " Route des Tommes ".

Cela tient certainement à la rigueur et à l'éducation rugueuse de nos montagnards d'antan
que tu voulais imprimer, pour la véracité d'une tradition retrouvée, ton souci du bien fait.
Bref ton côté " chardon ", un peu piquant. Avec toi il valait mieux ne pas prendre les mots au premier degré.

Bon...ça...c'est fait, aurais tu dis après chose réglée.

Mais il y avait aussi et surtout, l'homme d'idée et l'homme de cœur.

Lors de nos dernières rencontres, tu m'as dit : " qu'est-ce que tu en penses... je suis foutu ? " .
Je ne sais pas ce qu'il y a derrière le miroir, mais je sais ce que tu peux voir dans le miroir  ai-je répondu : l'homme d'idée, l'homme d'action et l'homme de cœur.  Toi, tu as eu trois vies en une, toujours à cent à l'heure.

Bouillonnant d'idées, tu avais fait tiennes les paroles du livre de la sagesse " il savait que c'était impossible, alors il l'a fait ", montrant ainsi une force et une capacité hors norme pour emmener tes rêves vers la réalité. Un peu soixante-huitard quoi, soyons réaliste, demandons l'impossible.

Quelques exemples pour illustrer l'homme.

Le bénédicité que tu as imposé pour imiter les ancêtres très croyants à l'époque, ce qui,
dans nos costumes sombres nous faisait passer pour une communauté amish...avant que l'on entonne les chants savoyards mettant ainsi les choses à leur place.

Te souviens tu, en 2004, lors de notre passage dans les Pyrénées, autre terre muletière, notre arrivée à Lourdes, quand le nonce apostolique surpris de nous voir arriver avec les bêtes a dit : " j'ai souvent vu des ânes à Lourdes, mais jamais des mulets ". On ne lui a pas demandé de préciser sa pensée, tout tendu vers ton projet de nous emmener à la grotte miraculeuse avec les mulets. Ce qui fut fait en doublant la cohorte des croyants présents.

Puis autre idée folle, monter au pic du midi de Bigorre 2876m, car aucun mulet n'était revenu là depuis la construction de l'observatoire. Profitant de l'absence du directeur, tu nous a engagés dans cette bambée pourtant interdite par lui, construisant avec quelques hommes, une passerelle au dessus de la crémaillère pour faire monter les mulets, faire la fête au sommet et repartir prestement en démontant la passerelle...ni vu, ni connu.

En 2006, tu décidas que l'on devait passer à la télé, mais pas furtivement aux infos, tu souhaitais un film complet pour fixer la tradition de nos ancêtres. Avec l'ami Jean-François VALLENCOURT, réalisateur coopté, les subventions furent trouvées et 52 minutes passèrent plusieurs fois sur la chaîne Equidia à la télé. Qui y croyait à par toi ?

En 2010, tu nous conduisis en Corse en chargeant les mulets sur le bateau pour traverser de " mare a mare " cette île enchantée, où nos amis Corses virent pour la première fois se baigner mulets et muletiers dans la Méditerranée, après un périple empreint d'amitié avec d'autres montagnards au caractère bien trempé comme tout bon Savoyard.

En 2011, une plus grande traversée, le Maroc, où les mulets courent encore en tout lieu. Surprise des Marocains pour un harnachement bien compliqué quand eux se contentent d'un coussin de paille et de quelques ficelles. A Marrakech, au retour, et en tenue, tu nous as fait chanter dans la rue, et, surprise, malgré des cultures et des chants bien différents, les locaux nous ont ovationnés et rappelés plusieurs fois.

Dernier exemple, passer à Suse sous la porte de Savoie comme le faisaient les ancêtres portant le fromage de la Tarentaise vers Turin. Là aussi, tu avais l'interdit du Commandant de Police de la place vu le règlement de la cité en zone piétonne. Tu voulais y aller sans autorisation, le goût du risque. Avec culot, dans un raid éclair, nous abordâmes la veille la Signora Gemma, Sindaco (Maire) de Suse qui régla ce problème comme tu le souhaitais.

C'était aussi cela Alain, l'improbable, l'imprévu...les idées et le pétrole en même temps, braver l'interdit était son mode de vie.

Depuis un an, nous avions formulé l'idée d'une année dans l'arrière pays niçois, savoyards eux aussi depuis 1388 par cession volontaire du comtat à la Savoie pour échapper à la Provence. Peut être une prochaine année pour honorer ta mémoire, et te donner encore une fois raison...de ce rêve inassouvi, nous le ferons réalité.

Pour finir, l'homme de cœur, l'altruiste.

Malgré les moments de tension, il aimait les hommes, la Savoie, la Tarentaise plus que tout, et bien sûr son bébé " la Route des Tommes", donnant de sa personne et beaucoup plus encore... il y avait affinité. Œuvrant toujours pour montrer le meilleur visage de notre vallée, un amour de toujours, et vanter les attraits du pays de Saint Bon... et de Courchevel.

Il n'oubliait jamais les anciens de la commune, signe de respect encore, en les conviant aux fêtes d'arrivée.

Comme dans toute famille, et " la Route des Tommes " en est une, on perd toujours un bout de soi quand un être proche s'éloigne. L'absence n'est pas la mort, l'oubli si.

Je t'ai vu juste avant ton départ pour te faire un dernier adieu au nom de tous les camarades en noir. Pour l'oubli, parole t'a été donnée pour l'impression du nouvel opuscule, auquel tu tenais tant pour graver un peu plus dans le temps notre tradition, ainsi que l'engagement de poursuivre la Madelon et notre traverse annuelle que tu as organisées en nous réunissant avant de partir, malgré ton épuisement.

Merci Alain pour ces 25 ans de joies muletières, de fête et d'amitié, dans le souvenir et le respect des ancêtres. Sans toi la vie aurait été plus insipide, et ton ombre bienveillante, à n'en pas douter, flottera toujours sur "TA" Route des Tommes.

Voilà, brièvement posée, une branche de CHARDON.

Salut Alain, salut l'artiste, on se retrouvera, c'est certain, de l'autre côté du chemin.

Les Saint-Bonnais et la " Route des Tommes " te disent...

" Arvi pa ! "

Pour la route des tommes, Louis BLANC le 15 juin 2018




Poème relatant la première Route des Tommes en 1993



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